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Nulle Part, Partout page publique
Chez Moi est une chambre noire ; Chez Moi est un hall d’exposition. Je n’y suis pas isolé, mais ceux qui y viennent n’en voient que des décors mis en valeur sous les lumières. Ils ne voient ni les ombres, ni la boue, ni les fantômes évadés qui glissent parfois sur les murs des pièces fermées. Chez Moi pas de vigiles pour garder les couloirs privés, mais des pièces sans portes et des murs aveugles que l’on ne peut traverser, sauf à la faveur d’une occasion, d’un démembrement, de travaux. Parfois, et pas forcément moi. Ceux qui forcent ainsi leur chemin Chez Moi sont des cambrioleurs intimes, des indésirables, des parasites indélicats qui ont chez eux les clés de Chez Moi et qui s’en servent pour fracturer, abîmer et voler ce qui leur plaît Chez Moi. Ceux qui entrent par les portes que j’ouvre sont accueillis Chez Moi avec certains honneurs. Ils sont plutôt rares et ne savent pas toujours qu’ils sont ainsi entrés Chez Moi. Il n’est pas nécessaire de laisser deviner aux gens qu’ils sont plus intimes avec vous qu’ils ne le croient. S’ils savaient posséder certaines clés, ils pourraient imaginer qu’ils ont accès à toutes les pièces et avoir la tentation d’emporter une part de vous à laquelle vous tenez. Il y a ceux ou celles à qui vous ouvrez grand les portes, les trappes, passages dérobés, les couloirs secrets ; il n’y a personne à qui vous fassiez tout de même les honneurs douteuses des petits coins les plus sombres et les plus honteux. Quand bien même cela arriverait, vous vous arrangeriez pour ne proposer qu’une visite balisée, éclairée, pas grand chose à voir avec les descentes sales aux catacombes que l’on s’inflige parfois, volontairement ou non, dans les parfums de ses erreurs, les vapeurs de ses hontes, la boue de son passé qui infiltre vos bottes et d’un coup vous étouffe en vous bloquant la gorge.
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