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lĂ oĂč j'en suis, aujourd'hui page publique
MARS 2005
je m'appelle Marie, j'ai 30 ans, et ma vie est foutue ; on me l'a volée il y a un an et demi, et « on » n a pas l'air décidé à me la rendre pour le moment
en octobre 2003 : pertes de sang intempestives, ventre gonflé, douleurs notables
dÂoctobre 2003 Ă janvier 2004 : 4 mois de galĂšre pour savoir ce que j'ai, de gynĂ©cos incompĂ©tents en SOS mĂ©decins incultes... et encore, ça aurait plus ĂȘtre + long si j'avais pas Ă©tĂ© aussi obstinĂ©e limite pĂ©nible
janvier 2004 : diagnostic : ENDOMETRIOSE extrĂȘmement sĂ©vĂšre : atteintes utĂ©rus, vagin, cul de sac de douglas, ovaires, trompes, cloison recto vaginale, sigmoĂŻde (infiltrĂ©), en prime adhĂ©rences partout
de janvier 2004 Ă juillet 2004 : attente de l'opĂ©ration ; progression des lĂ©sions malgrĂ© les traitements hormonaux .... je me suis obstinĂ©e Ă m'accrocher Ă ma vie, Ă continuer le théùtre et mon travail.... pendant que mon entourage me savait en ĂȘtre INCAPABLE et me voyait en souffrir, moi, je voulais croire que je pourrais continuer pas possible d'enfiler un pantalon, fini le temps oĂč je m'asseyais sans rĂ©flĂ©chir, mine de cadavre, abonnement "privilĂšge" aux urgences de l'hĂŽpital pour ces douleurs, y'a pas de mot en français qui puisse en donner une idĂ©e et, mĂȘme avec une volontĂ© de fer, mĂȘme en bossant dans une boite pas vraiment humaniste, on m'a exhortĂ©e Ă cesser mes activitĂ©s au passage, la maladie ne fait pas de vous qu'une ruine physique mais aussi intellectuelle : quand on a mal, on n'est plus soi mĂȘme ; on n'est plus rien en fait, qu'un animal souffrant.....oui, on devient bĂȘte, et, non, on ne peut pas faire autrement et toujours au passage, cette maladie n'attaque pas que nous, mais tout notre entourage : que de malheurs et de peurs aussi parmi mes proches autre prĂ©cision : NON, la morphine n'a pas d'effet, pas durablement, sur des douleurs viscĂ©rales et, que ce soit clair : personne je crois n'a autant remuĂ© paris que moi pour envisager tous les soins possibles, ni autant lu sur la maladie
bref :
opération en juillet 2004 : pas possible de vous donner une idée ne serait-ce que de 10% de ma souffrance
opération en août 2004 : je gagne une poche, et je suis paralysée de la vessie ; en prime, j'ai une fistule recto vaginale
dÂaoĂ»t 2004 Ă janvier 2005 : vous imaginerez combien je me sens une fille, combien il m'est possible de remettre mes jupettes, de reprendre un sourire, et de reprendre ma vie, n'est-ce pas ???? Ă©vident, quand on a toujours mal, facile avec une poche, fastoche en se sondant, et les doigts dans le nez quand on doit prendre 5 douches par jour !!!!!! mais, vous savez quoi ? c'est mĂȘme pas ça le pire !!! savez vous ce que c'est que de passer 6 mois en apnĂ©e ? suspendue Ă son corps et ses dĂ©boires ? Ă espĂ©rer que cette fistule se ferme, Ă prier pour que ça se termine, Ă essayer d'expliquer Ă des chirurgiens que SI, 6 mois dans une vie, c'est Ă©noooooooooooorme j'ai dĂ©couvert la peur, la vraie... et, moi la pipelette, j'ai appris l'indicible mais, c'est sĂ»r, c'est par pure mauvaise volontĂ©, et par couardise que je ne suis plus sortie de chez moi ? oui ! pourquoi ne pas regarder les autres manger Ă table ? pourquoi ne pas souiller les toilettes de mes hotes ? pourquoi ne pas promener ma poche auprĂšs de mes clients ? pourquoi ne pas faire partager ma dĂ©marche de frankeinstein et mon visage bouffi de larmes et creusĂ© par l'absence de sommeil ?????????? (oui, ça empĂȘche de dormir la douleur)
janvier 2005 : opération pour cure de fistule : une balafre monumentale en plus sur le ventre, des complications extrement douloureuses
j'ai oubliĂ© qui j'Ă©tais ; c'est plus vrai je ne sais pas qui je serai, ni quand, ni mĂȘme si cela me sera supportable ; c'est l'inconnue, et l'angoisse je ne sais plus quoi espĂ©rer, ou me souhaiter... je n'ose plus, d'ailleurs
plus personne ne m'appelle mon amour, peu de chances que quelqu'un me dise maman un jour, fini mes jupes, fini mes sourires, j'arrive plus Ă blaguer fini les voyages, adieu le théùtre, bye bye tout ce qui faisait ma personnalitĂ© adieu mon corps tchao mon inconscience .. peut ĂȘtre pour toujours mais toujours les douleurs, toujours la poche, toujours les sondes, toujours l'incertitude...
mais, oui, je suis une chiffe, une mauviette, une gamine capricieuse et qui s'Ă©coute trop, n'est-ce pas ?????????? l'endomĂ©triose ne peut pas ĂȘtre un frein aux relations sociales, ne peut pas vous broyer physiquement, et n'empĂȘche pas de vivre, tout de mĂȘme !!!!! d'ailleurs, je me demande bien ce qui m'empĂȘche de prendre ma bĂ©quille sous le bras, de faire une valise (de sondes, de poches, de couches, de pĂątes) et de repartir au bout du monde, ou mĂȘme de reprendre mon boulot, tiens .... c'est vrai, quoi, merde, j'ai 30 ans, non ????? je me demande aussi ce qui peut me faire croire que je suis moche ? c'est vrai, quoi, on ne va pas faire une histoire de quelques trous, d'un creux, et d'une ligne hanche hanche, non, soyons raisonnables ?! je me demande ce qui me fait dire que je ne serais plus jamais capable de coucher avec quelqu'un ! aloooooooooooors, une fille comme moi ! c'est pas parce que mĂȘme marcher est un problĂšme que je dois imaginer le pire
je m'appelle marie j'ai fĂȘtĂ© mes 30 ans avec une poche, sans champagne, au steak Ă l'eau avec des pĂątes, et.... avec ceux qui m'aiment qui n'osaient pas me regarder dans les yeux
j'ai découvert que, OUI, on pouvait avoir envie de mourir des fois, parce que ça fait trop mal ... ou parce que notre vie n'en est plus une, de vie
je ne sais plus sourire, et je ne dors plus
passent les jours & passent les semaines...... j'attends de savoir ce que je vais devenir
Espérons que je supporte encore cette attente et que l'issue soit "humaine"
je m'appelle marie j'ai la chance d'ĂȘtre bien suivie, mais l'histoire devait finir, au plus tard, en novembre 2004 pour moi j'ai pu obtenir, trĂšs trĂšs pĂ©niblement, un 100 % pour maladie non rĂ©pertoriĂ©e ; mais, mĂȘme avec ça, j'en ai pour 3000 F / mois de poches et de sondes (je vous fais cadeau des compresses, des crĂšmes cicatrisantes et des complĂ©ments nutritionnels : du luxe) je suis Ă mi-salaire, avec un loyer et des impĂŽts Ă payer seule chaque mois, mais la SĂ©cu ne m'accorde aucune aide, car elle se cale sur me revenus de quand j'Ă©tais en pleine forme le mieux, financiĂšrement, serait que je me fasse virer : lĂ , au moins, je toucherais 80 % de mon salaire
ah, aussi, mĂȘme si le bon dieu voulait me laisser une chance physique d'ĂȘtre maman, eh ben Â
en France, pas le droit aux PMA, et un droit plus qu'alĂ©atoire aux adoptions parce que je suis seule et que, mĂȘme si je ne l'Ă©tais pas, je ne souhaite pas me marier, et je doute fort que j'aie 2 ans de vie commune prouvable derriĂšre moi Ă ce moment lĂ mais, OUI, le systĂšme est parfait : vive les mĂ©decins conseils, vive la rĂ©forme de la sĂ©cu !!!! c'est vrai, quoi, si je veux arrĂȘter de fumer, on m'offre la thalasso et les patchs : de quoi, j'me plains ?!
voilà , grùce à Dieu, ça n'arrive pas toujours, mais c'est aussi CA l'endométriose
non, on ne meurt pas de l'endométriose.... cliniquement parlant mais peut -on vraiment vivre avec ? ne peut on pas en mourir, à petit feu ???????????????
Je crois que ce qui fait la douleur, c'est pas seulement les lĂ©sions... - c'est un systĂšme dĂ©faillant pour la prise en charge des consĂ©quences de la maladie - c'est une recherche inexistante, dans l'indiffĂ©rence gĂ©nĂ©rale - c'est, SURTOUT (et lĂ est peut ĂȘtre la cause des points ci dessus) tous ces IGNORANTS qui se permettent de caqueter sur la maladie en la minimisant voilĂ , pour mon cri et je crois que ce que je vis moi, c'est ce qu'on vit toutes, passĂ© un peu Ă la loupe
je souhaite, du fond du cÂur, que PLUS JAMAIS personne ne puisse essayer de nous faire croire que nous n'avons qu'une "maladie de bonne femme, un peu douloureuse, certes, mais pas invalidante" : halte aux opinions de basse cour sur l'endomĂ©triose, par pitiĂ©
VoilĂ ce que certaines dÂentre nous endurent, et ce que toutes nous endurerons (tout ou partie), parce que, oui, nous nous ressemblerons toutes si la recherche n'avance pas, si la prise en charge nÂest pas revue, ou si les mĂ©decins n «atterrissent» pas ! oui, nous dĂ©primerons toutes si on nous laisse seules Ă assumer le fait dÂĂȘtre malades, sous prĂ©texte quÂon en meurt pas, ou que ça fait pas si mal que ça
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