 Journal public |
|
| |
Le Pfff du mois de Juin page publique
Il y a quelques temps, j’ai discuté avec un type sympa au demeurant, menteur pour le reste. Sympa parce qu’il était avant tout brave et sincère dans sa joyeuse bêtise. Mais menteur... Un champion, une véritable star. Certains auraient pensé qu’il méprise ceux à qui il parle, tant ses mensonges sont énormes, improbables et définitivement grotesques… mais le type, il écrit gras, comme on dit. Il appuie franchement sur chaque histoire, allant jusqu’à jurer les cieux si tu émets ne serait-ce qu’un doute, qu’il aurait perçu dans le sourcillement de ton regard. Il écrit gras, il surligne, il stabilobosse au fluo tellement son trip est fascinant. Comme le dit un sage poète dont j’ignore le nom : « Le mensonge donne des fleurs, pas des fruits». On ne peut donc pas s’attendre à grand-chose. J’ai d’abord été pris de pitié devant le bonhomme, ses yeux qui brillent de voir la foule de collègues boire ses paroles, tel Jésus devant la foule sur le flan d’une colline. Il séduit, c’est vrai, mais pourquoi ?
Je ne saurais le dire ou l’expliquer.
Un vrai cas d’école. Typique du gars qui n’a pas de vie et qui s’en invente une, parsemée de piquantes anecdotes, fleurie d’un tapis de fantasme aux parfums héroïque. Car c’est un héro notre homme. Un gladiateur se jetant dans l’arène hurlante, où d’autres gladiateurs comme lui se frayent un chemin, tentant de se graver une vie dans un ciment à peine sec, tout ça pour exister. Je l’écoutais attentivement et notais soigneusement toutes les inepties et autres tournures spectaculaires pour donner forme au discours. Passionnant.
La fin du discours reste super, bien maitrisée, poignante et un peu plus réaliste que le corps du récit, peut-être pour laisser son auditoire sur une note réelle. On oublie toujours ce que disent les gens. On ne retient que la fin et on croit qu'ils ont raison. Il hausse un peu le ton, mais pas trop pour ne pas agacer le public. Il est bon.
Mais pourquoi ne suis-je que le seul à comprendre son jeu ? Je fais un tour d’horizon de la galerie hébétée, comme hypnotisée et je faisais un triste constat, néanmoins mêlé de respect : il écrivait gras notre ami certes, mais il écrivait sur un papier absorbant, une masse à qui il savait intelligemment distiller une encre parfumée, douce, dont on se délecte sans penser, sans réfléchir… un gros désert qu’on mange même si on a le ventre gras, prêt à craquer.
Il est bon.
J’ai bien dormi ce soir là. Je venais de trouver un moyen, non pas de le déstabiliser, mais un moyen de m’affronter à lui, comme ça, juste par défi…
...
|