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Pfff de juin suite page publique
Le lendemain matin, comme pour un vrai show, j’avais volontairement retroussé mes manches, aspergé mes vêtements du dernier Vandeercliff (en promo chez Auchan profitez-en) et pour finaliser la touche créatrice, j’avais soigneusement ciré mes chaussures. Il fallait affronter la bête - ou le bête, je ne sais pas vraiment - avec toute la dignité qui s’imposait.
La machine à café…
L’endroit était tout désigné pour livrer l’ultime combat. J’attendais 10h15. La foule était là, haletante, un vrai papier buvard prête à absorber n’importe quoi du moment que ça chatouille un peu les oreilles, que ça fait mousser les égos… Contre toute attente, j’entamais la discussion avec les traditionnels ‘bonjour, ça va’, ‘t’as vu le monde dans le métro !’ et autres ‘il fait beau ce matin’, ‘il y avait des bouchons c’est dingue !’.
Dès que le protocole fut achevé, je commençais : « je vous ai déjà parlé de mon voyage en Afrique ? »
Silence.
Ce silence je le savais révélateur. «Il a été en Afrique lui ? »
Ce n’était plus leur super héro qui parlait mais un autre. Déstabilisation. Le gourou ne pipait mot. Je continuais : « Oui, je suis allé en Afrique, mais je vous rassure, je n’irai plus jamais…»
« Ha bon ? Pourquoi ? Lançait un courageux badaud que tout le monde foudroyait du regard, telle une brebis qui devenait chèvre, un Judas en puissance…
« Il m’est arrivé un truc énorme là-bas ! »
La foule était prête. Assaisonnée. Attentive, oubliant brutalement le passé sulfureux de leur Maitre maintenant en perdition. « J’étais en train de faire un safari, un trek classique avec quelques amis, pour prendre des photos et saisir l’essence même de la savane… »
(Il faut toujours utiliser des mots qui marquent, des mots qui fendent l’air comme des couperets, même s’ils ne correspondent absolument pas au champ sémantique de votre histoire. Ca impressionne et personne ne vérifie).
« …quand soudainement un lion est apparu, semant la panique parmi le troupeau d’éléphants qui nous accompagnait. Mes amis eurent le temps de monter chacun sur son animal… quant à moi, la femelle que je chevauchais était la matriarche… elle a donc rapidement pris la tête du convoi qui s’enfuyait, m’oubliant malgré mes cris et mes appels désespérés. J’étais donc, en une fraction de seconde en face d’un lion rugissant, visiblement en quête de nourriture… Sans tarder, j’épaulais mon fusil et tirai… Mes quelques cours de tirs au Royal Club de Moissy-sous-Seine et ma pratique régulière de la wii, m’ont sauvé la vie. Dans une atroce douleur le lion s’enfuit dans la brousse. Je venais de terrasser le colosse.
Mais, je n’étais pas au bout de mes peines. L’agitation et le bruit avait attiré d’autres prédateurs tout aussi puissants et féroces. Deux guépards effilés, eux aussi en manque manifeste de nourriture me firent face. Je n’avais plus que deux balles, mais je n’aurais jamais eu le temps de recharger mon fusil ! Dans un éclair de génie, je décidai de saisir la passoire métallique de poche que j’avais toujours avec moi pour égoutter mes pâtes et je la plaçai habillement devant le canon du fusil… Je tirais un coup. La balle en traversant la passoire se fendit en deux, et les deux parties vinrent se loger chacune dans la tête d’un animal. Je venais de faire d’une pierre deux coups !
Mais c’était peine perdue…
Le lion que je croyais mort revint à la charge, dans une rage rarement observée. J’avais juste eu le temps de mettre dans le fusil l’ultime balle qui me restait… dans la précipitation, je tirais de nouveau en direction du fauve…. »
Quelqu’un tenta un ‘tu l’as tué au moins, hein, dis-nous ?’ Je laissai volontairement un long silence etouffant un rire dans un faux raclement de gorge.
« Non… je l’ai loupé… j’ai trébuché avant de tirer. La balle a été se loger dans le cul d’un singe qui observait la scène – trop curieux les singes. » « Tu t’es barré alors, hein ? disait toujours le même abruti (oui parce qu’à ce stade on est vraiment une buse accomplie, un crétin de haute voltige…), hein , qu’est-ce qui c’est passé ?
« Je me suis fait bouffer… »
Pfff…
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