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L'urinoir, mes pompes et Robert. page publique
Pisser dans un lieu public, en lÂ’occurrence dans des urinoirs publics, demande de la foi dans certaines circonstances, ne croyez-vous pas ?
Mes amis, je vois déjà sur votre visage se dessiner un petit rictus moqueur en vous disant celui-là n’a vraiment pas de chance… Et je crois que vous avez raison.
PfffÂ…
Autoroute A10, péage de Saint-Arnould. Après avoir déboursé mes plus de 20 euros pour avoir circulé sur une route à peine praticable [on se demande où se trouve la D.D.E. ?]. (voir page 12)
Sentant que ce long périple de fin d’été sur une chaussée digne des champs de Verdun m’avait secoué sérieusement la vessie, je décidai avec entrain de m’arrêter pour vider le reste de cidre de Bretagne que je m’étais gentiment autorisé à m’enfiler. Attention ! N’allez pas croire que je bois à outrance, que je me laisse imbiber le corps dans un élan de solitude, pour oublier une quelconque histoire du passé… Non, vous vous tromperiez. Je n’adhère pas au fan club de Christine Bravo.
Bref, j’approchai l’aire de repos où trônait majestueusement un édifice rectangulaire dont je devinai facilement l’entrée puisque une forte odeur d’urine s’en échappait. Je forçai le pas pour ne pas laisser mes émotions prendre le dessus et faire immédiatement demi-tour pour aller enfiler ma combinaison anti-bactérienne doublée, s’il vous plait, d’un compteur Geiger pour d’éventuelles radiations que j’avais soigneusement cachée depuis le 11 Septembre.
Telle une crevette sur le point de se faire griller à un pique-nique antillais, je me lançai dans la plus grande aventure humaine jamais tentée. Le premier pas sur la lune passerait pour de la danse classique à côté. Un G.I. de retour d’Irak demanderait immédiatement à partir de nouveau au front. Bref, mes amis, l’heure était grave d’autant plus que je n’était pas seul.
Hé, oui, d’habitude je calcule un temps précis pour me retrouver seul face au rempart froid et (vous le concevrez) boisé, tapissé d’herbes tropicales et habité de multiples insectes eux aussi venus d’ailleurs. Je plaçai soigneusement mes pieds en position dix heures moins dix [si vous voyez l’exercice !] afin d’éviter les éclaboussures de mon prodigieux voisin. Prodigieux parce que Robert et moi – hé oui on a sympathisé…) étions quand même séparé par deux urinoirs. Au départ, concentré que j’étais sur mon affaire, je n’avais absolument pas remarqué la lointaine présence de Robert. C’est quand j’ai vu mes pompes virer au jaune foncé que j’ai commencé à m’affoler. Peut-être avais-je mal considéré ma position et sur le coup, étais-je en train de littéralement me pisser dessus. Cette option ne me paru pas tout de suite dénuée de sens puisque jusqu’à 16 ans je me pissais régulièrement dessus tellement j’attendais toujours le dernier moment pour me vider et du coup, je n’avais jamais le temps de bien viser devant. Mes frais de chaussures étaient extraordinairement élevés à l’époque. (un psy m’a aidé, rassurez vous…)
Mes souliers dernièrement acquis à Bata (mon fournisseur officieux) ont rapidement rendu l’âme. - Monsieur, s’il vous plait ?! lançai-je discrètement - … Le bougre, il sifflotait, l’air amusé et, a en deviner son dandinement gauche droite, je discernai que Robert dessinait contre la paroi – sûrement une bagnole ou son jardin ou le nom de sa femme – enfin quelque chose de balaise puisque son jet atteignait mes pompes !!!! il fallait le voir, content qu’il était, de retour de vacances, l’âme légère, la main facile et le tube aérien. - Monsieur ! grondai-je - Hum…. Pardon ? - Je crois que vous m’arrosez… osai-je un peu énervé puisque je sentais maintenant mes pieds humides. - Hop ! Pardon ! Je suis désolé…. Il semblait d’un coup très gêné. Tellement gêné que je pris pitié de lui et entamai la conversation dans le but ultime de le gêner encore plus. - Je vois que vous êtes un artiste, lançai-je. - C’est-à -dire que…. Hi hi hi… Sa mine tournait au rouge et mes pompes au jaune très foncé. - Non, je rigole…. Il respirait de nouveau. - Y a des promos au Roi Merlin ? - Comment ? - Oui, Leroy Merlin, y font des promos, non, sur les tuyaux d’arrosage ? Je jubilai intérieurement. - non, je crois pas… ha ha ! Robert n’avait pas compris le truc !! - Vous êtes dans le dessin industriel, hein ?? les affichages 4 par 4, c’est vous ? - … - vous savez, c’est pas grave, se sont des choses qui arrivent. Tandis qu’il se rinçait le cylindre et s’éloignait timidement je continuai d’exulter au fond de moi devant la situation cocasse que je venais de vivre. Le tout m’a coûté une paire de chaussures et le reste de mon voyage avec une odeur digne des urinoirs du jardin du Luxembourg (allez-y, ça vaut le détour).
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