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Le 21 juin 2003 page publique
Je suis une pauvre imbécile, une idiote, une fille stupide qui pleure de plus en plus. Je ne me doutais pas que la dernière fois où je pouvais voir Adrien, c'était hier matin. J'espèrais comme une folle, j'espèrais le voir, même si exceptionnellement, je n'avais pas les mêmes horaires. Et bien non. S'il y a quelqu'un qui contrôle les faits et gestes des gens, que ce soit un dieu, ou un extraterrestre, alors il aurait pu au moins faire que je le voie une dernière fois. La journée avait bien commencé pourtant. Le soir, je faisais une pijama-party avec mes copines, j'avais tout préparé : la tente dans le jardin, l'appareil à faire les crêpes pour le repas du soir. En plus, c'était le dernier jour de cours. J'avais de quoi être heureuse, en plus je commençais à 10 heures 30. Et bien non. Je suis une des personnes les plus malheureuses du monde. En sciences, on a fait un goûter, et on a reparlé de la pièce de théâtre de la veille. Ils donnaient d'ailleurs une autre représentation cet après-midi. Ensuite on a eu latin. La plupart sont partis, moi je suis restée. On a fait un pendu, avec des mots en latin. Sur le coup ça paraît nul, mais finalement on s'est pris au jeu. On était par équipe de deux, j'étais avec Juliette. C'était ma dernière heure de latin. L'année prochaine je fais du grec. Je suis rentrée chez moi, Camille est venue l'après-midi. Elle vanait pour la soirée pyjama. Il devait y avoir Florence, Oriane et Déborah, mais elles faisaient leur pièce de théâtre. J'en pouvais plus, j'ai éclaté en sanglots dans les bras de Camille. J'ai râté quelque chose, j'avais du temps, le temps de tenter quelque chose, et je ne l'ai pas fait. Je m'étais promis de sourire à Adrien, j'étais sûre de mon coup, je suis sûre qu'il me regarde, que ses copains parlent de moi. Et je ne l'ai pas fait. Camille m'a dit qu'il ne m'aurait peut-être pas rendu mon sourire, et que j'aurais été déçue aussi, mais je crois que j'aurais préféré ça. Elle aussi a des problèmes, avec son Olivier. Elle voudrait l'oublier, mais on n'arrête pas d'aimer quelqu'un comme ça, d'un claquement de doigt. Si c'était possible, alors ma vie aurait été plus facile. Florence et Oriane sont arrivées vers 19 heures 30, mais Déborah n'était pas là . Elle n'était même pas venue au théâtre. Déborah est juive, très pratiquante. Elle fait le sabbat, du vendredi soir au samedi soir, toutes les semaines, c'est-à -dire qu'elle ne doit pas utiliser d'électricité, prendre la voiture, répondre au téléphone, et pleins d'autres trucs. On est allées sonner chez elle et sa soeur nous a dit qu'elle était à la synagogue. On a donc commencé à faire les crêpes et à les manger. Déborah est finalement arrivée vers 21 heures. Elle passait un examen d'hébreu lundi pour entrer dans une école juive à Paris. Si elle le rate, elle restera dans notre collège. Mais elle n'aime pas notre collège, c'est ça l'embêtant. Bon, d'accord, les profs sont un peu embêtants, l'organisation est merdique, mais sinon, c'est quand même un beau collège. Vers minuit, elle a appelé son père qui est venu la chercher. On étaient toutes éffarées. On en a parlé longtemps après, dans la tente. La voisine nous a crié de nous taire. J'ai du m'endormir vers une heure du matin.
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