 Journal public |
|
| |
Philosophie de comptoir page publique
En fin d’après-midi, je suis entré dans un bar-tabac pour m’acheter des cigarettes. Derrière un rideau de fumée, accoudé au comptoir, Cendrillon. Elle buvait un café, l’œil évasif, bercé par le bruit des verres et des conversations. Elle paraissait si pensive et si contrariée, que je m’étais résolu à ne pas aller la voir. J’empochais la monnaie de mon paquet de cigarettes lorsque ses yeux se sont levés sur moi. Son visage s’est aussitôt illuminé. Cette fille a un sourire d’ange. Je connais très peu de garçon qui y restent indifférent; à vrai dire, je n’en connais pas. Je me suis avancé vers elle et j’ai déposé un baiser sur ses joues roses et parfumées. Elle m’a proposé un verre, mais attendu par un couple d’amis pour l’apéritif, j’ai refusé, avec regret. Nous avons échangé quelques banalités, et alors que je m’apprêtais à la quitter, un homme, emporté par sa conversation, clama à haute voix: "Tu rigoles j’espère ! Les gens intelligents sont malheureux! Ils ont compris qu’on était sur terre pour vieillir et crever. Avant il n’y a rien, après non plus. Et pendant, pfftt, on en chie! Alors..." L’hédoniste qui est en moi s’est senti concerné. Je me suis retourné vers Cendrillon et je lui ai murmuré à l’oreille: -Si j’ai bien compris cet homme, comprendre, c’est perdre les avantages du con. -Oui! M’a-t-elle répondu avec son sourire qui transperce les cœurs. -Ok! Alors soyons assez intelligent pour rester con! -Et toi, sois assez con pour oser m’appeler de temps en temps!
Je lui ai fait un clin d’œil, embrassé le front et je suis sorti.
A méditer...
|