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Petite leçon par de grands amis page publique
Lorsque je suis chez moi, la porte de mon appartement n’est jamais fermée à clef. Ainsi, mes amis sont libres d’entrer et de sortir, à leur guise, sans avoir à sonner ou me prévenir. Goéland et Petite Fille font parties des personnes à qui j’octroie ce privilège. Je n’étais donc pas surpris, à mon réveil, samedi matin, de les voir assis sur le rebord de mon lit.
Petite Fille déposa un baiser sur ma joue avant de s’éclipser. Encore pelotonné contre mon oreiller, les yeux mi-clos, je répondais aux questions de Goéland par de petits gémissements. Un gémissement pour oui, deux pour non.
Plongé dans un demi-sommeil, je ne me souviens plus exactement ce qu’ils voulaient, ni même du sujet de notre conversation. Toutefois, je me souviens avoir répondu de l’aspirine à la question "que prends-tu pour le petit déjeuner?" et, une femme de ménage à "On va faire des courses, on te ramène quelque chose?"
Quand mes yeux s’ouvraient pour la seconde fois de la matinée, Goéland et Petite Fille avaient disparu. Je me suis levé et je me suis avancé dans la pièce principale. A ma grande surprise, tout était propre. La vaisselle s’égouttait lentement sur le bord de l’évier et la poubelle avait été vidée. L’arôme du café (que mes amis avaient fait couler) emplissait la pièce. Sur le comptoir de mon mini bar, un mug, un verre, une bouteille d’eau, un doliprane et un petit message entre deux tartines beurrées. "On a rangé le bordel fait la veille. T’as pas d’excuses. Amène ta guitare et passe prendre l’apéro à midi. Tu resteras bouffer et ensuite on ira aux champis. A toute!"
Evidemment quand on a des amis comme ça, on n’a pas envie de fermer ses portes.
Nous sommes donc allés aux "champis". De formation forestière, j’en profitais pour donner à mon couple d’amis un cours de botanique. Petite Fille, qui est de nature très curieuse, n’arrêtait pas de me demander: "C’est quoi ça? Et ça, c’est quoi ça?". Ce jour là , elle portait son surnom à merveille.
Sous l’aile d’un épicéa, caché dans un tapis de mousse bien épais, nous avons trouvé quelques champignons. Malheureusement, aucun d’eux n’avaient de saveur culinaire.
Goéland, qui saisit toutes les occasions pour s’abreuver aux sources de la connaissance, me demanda comment je distinguais les champignons comestibles des toxiques. Ma réponse était toute trouvée. Je lui ai répondu par les mots de mon grand-père ; ceux qu’il m’avait sortis quinze ans plus tôt. "Facile, les champignons c’est comme les filles. Les plus jolis sont souvent les plus vénéneux!" N’étant qu’à l’aube de l’automne, nous n’avions trouvé que cinq cèpes. Le soir venu, Petite Fille nous les avait préparée en omelette. Un délice! Après le festin champêtre, Goéland alluma quelques bougies et un bâton d’encens. Dans cette ambiance intime et pénétrante, nous avons joué quelques morceaux de guitare, nous arrêtant de temps en temps pour boire un verre et discuter. Ce que j’aime avec eux, c’est que nous pouvons aussi bien parler d’art que de sexe, de théologie comme d’actualité. Nos discutions jaillissent d’un puits sans fond. Parfois, lorsque je prenais la parole, mon auditoire se figeait dans une gravité de contemplation. L’intensité veule des bougies grossissait les traits du visage du couple. C’était beau et troublant à la fois. Ils semblaient sculptés dans l’obscurité...
Ils sont mes amis et je les aime énormément. Je sais que c’est réciproque, il me suffit de lire le mail qu’ils m’ont envoyé ce matin. Cette phrase notamment: "Enfin si ca te fais chier d’y aller et je ne m’en facherais pas pour cela laisse tomber..."
Non, ça ne me fais pas chier. Ne vous inquiétez pas, j’irai. Ils m’ont appris quelque chose aujourd’hui. Ils m’ont appris qu’il fallait regarder ce que les gens faisaient pour moi, plutôt que de regarder ce qu’ils ne faisaient pas.
Encore une leçon...
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