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Tic-tac page publique
Je paye pour que le numéro de téléphone des personnes qui m’appellent s’affiche et, certains d’entre eux, payent pour le masquer. Dans de telles conditions on ne peut pas s’entendre. Alors je ne réponds pas, le répondeur s’en charge. S’il y a un message je rappelle, mais c’est rarement le cas. Hier, sur dix-sept appels masqués, seulement quatre messages. "Si t’es là appelle-moi, sinon, ben, achète un portable!!!" Oui, parce que je n’ai pas de portable. Je n’ai pas la télé non plus. De nos jours, ça "choque" beaucoup de monde. Souvent après de telles révélations, on me regarde avec inquiétude et méfiance. Beaucoup me considèrent comme un original, un illuminé. "Bizarre" est l’adjectif qui revient le plus souvent... Bref, je m’éloigne du sujet. Comme les cris du téléphone m’exaspéraient, je suis allé voir mon libraire. Je lui ai dit que j’avais envie de lire quelque chose de cynique et drôle à la fois. Il s’avance au milieu des rayons, prend un air pensif et me tend "Un petit boulot" de Iain Levison. Le bouquin fait seize euros, mais il ne veut pas que je l’achète, il veut me le prêter. Je refuse, il insiste. Ses yeux auront raison de moi. J’accepte mais lui confis que ça me gêne. J’ai encore en ma possession trois livres à lui. Jusqu’à présent, il m’a prêté plus de livres que ce que je lui en ai acheté. Il hausse les épaules. De toute évidence, il s'en fou.
De retour chez moi, je m’enfonce confortablement dans mon canapé et débute la lecture de l’ouvrage. Au fur et à mesure que les pages se tournent, un sourire se dessine sur mes lèvres. Le bouquin me plait. Il dresse un portrait au vitriol de l’Amérique des laissés-pour–compte.
Soudain, Petite Fille et Goéland poussent la porte d’entrée. Je sursaute. J’ai organisé un dîner chez moi et je l’ai complètement oublié. On s’active, on plaisante, la chaleur emplit à nouveau la pièce et les cœurs. Plus tard dans la soirée, les autres invités meublent l’appartement. L’atmosphère est plaisante, des rires éclatent et leurs échos raisonneront toute la nuit...
Aujourd’hui, j’ai un million de choses à faire et je n’ai rien fait. Il faut que je range, que j’appelle Peruviana, que j’appelle l’auteur de la lettre laissée sur mon part brise, que je lave ma voiture, que je me rase, que j’aille chez le coiffeur, que je me prépare pour la soirée d’anniversaire de Ping-pong, que je promène Wha-wha, que je fasse des courses, que j’arrose les plantes, que je fasse une lessive, la vaisselle, que je mange, que je...
Pfft! Oscar Wilde avait vu juste, la ponctualité est une voleuse de temps.
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