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A L'HÔPITAL page publique
Le couloir d’un centre pour amnésiques. On monte des escaliers pour finalement aboutir à un bureau. Celui du Docteur Gilles Payne. On voit un couple de quadragénaires de dos. Le docteur leur fait face. Il est assis à son bureau et leur parle : « …votre fille a une perte totale de la mémoire. Il est encore trop tôt pour savoir si un jour elle la recouvrera complètement. Elle a reçu un choc psychologique très important. C’est ce qui explique le blocage des souvenirs. Il s’est passé quelque chose que son inconscient n’a pas accepté et Cassy a préféré tout occulter. - Pourrait-ce être un acte répréhensible qui ait provoqué cette amnésie ? dit la mère. - Il n’est pas rare qu’un acte commis par le patient et puni par la loi explique ce genre d’amnésie. Mais dans ce cas-ci seule votre fille peut nous dire ce qui est véritablement arrivé cette nuit-là . C’est pourquoi il ne faudra pas la bousculer, le traitement risque d’être long et pénible. Il se peut très bien que sa mémoire se débloque d’un coup tout comme elle pourrait revenir petit à petit ou ne pas revenir du tout… - Docteur, quel serait le rôle des proches dans le recouvrement de sa mémoire ? demanda son père. - Pour la plupart de nos patients, il est déterminant. La visite d’amis et de la famille, puis un retour sur des lieux familiers provoquent des émotions qui stimulent la mémoire. Mais il faut y aller par étape. Sinon elle ne pourra pas gérer les souvenirs et les recadrer. C’est un travail qui prend beaucoup de temps et demande beaucoup de patience. Je sais que pour vous, ça risque d’être dur, mais si vous voulez retrouver votre fille, c’est un passage obligé. - Très bien. Vous savez mieux que nous ce qui est bien pour elle. Ma femme et moi, nous vous faisons confiance, dit le père. - Une dernière chose : j’aimerais que vous nous teniez au courant de l’évolution de son état et aussi que vous interdisiez toute visite que nous n’avons pas autorisée, intervient la mère. - Ce sera fait. Le docteur se lève et leur tend une main. Ne vous inquiétez pas, elle est entre de bonnes mains. » Ils se lèvent à leur tour, lui serrent la main et sortent. Le docteur appelle sa secrétaire par interphone : « Apportez-moi les résultats concernant notre dernière entrée et aussi ceux de Mademoiselle Patère, dès que vous les aurez. - Très bien. - Oh, et un café aussi, s’il-vous-plaît. - Tout de suite. » Il s’asseoit et regarde des clichés qu’il a sorti de son tiroir. Ce sont les photos d’une jeune fille blonde, étendue au pied d’une falaise. Elle a les yeux fermés, la joue ensanglantée et ses jambes ne sont pas dans l’alignement habituel de la tête. On voit d’autres clichés de blessures au niveau des genoux. A l’annulaire gauche, elle porte un anneau de mariage en argent. « Triste, n’est-ce pas ? C’est la secrétaire qui vient de rentrer avec la tasse à café. Le docteur sursaute. - Oui. Merci. - La pauvre fille, l’état dans lequel on l’a trouvée ! Je préfèrerais être morte à sa place. » Elle quitte la pièce sans attendre une réplique de son interlocuteur.
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