 Journal public |
|
| |
C'est quoi ma vie? page publique
Dans le bureau de Gilles, le lendemain. Cassy et son médecin discutent : « … Je fais des rêves bizarres… - Quel genre de rêve ? - C’est pas facile à expliquer. Je ressens des choses comme si je les avais vécues… - De quoi s’agit-il exactement ? Elle est gênée. - C’est un homme et une femme qui … euh… -Elle ne le regarde plus- Qui ont des relations intimes. Silence. - Tu vois leurs visages ? - Non. - Il y a plus de détails que de choses globales ? -Elle ne voit pas ce qu’il veut dire- Est-ce que ça pourrait-être les images d’un film ? - Non, je ne crois pas. - Des souvenirs, alors ?… -Elle acquiesce de la tête doucement d’abord, puis franchement- Pourquoi est-ce que tu ne me l’as pas dit plus tôt ? Il avait haussé la voix. - Parce que ce n’est pas évident d’annoncer à son médecin qu’on fait des rêves qui parlent de cul ! -Elle avait presque crié et est très énervée. Elle s’était levée. Elle tourne dans tous les sens devant le bureau- Et puis, c’est pas tout. J’ai des nausées, je ne me sens pas bien du tout. En plus, je ne vois personne, je m’ennuie profondément. Je sais que ma mère refuse de laisser venir mes amis, parce qu’elle a peur de connaître la vérité. Mais ne pas savoir qui on est, le genre de musique qu’on aime, les réactions qu’on a par rapport aux évènements, c’est encore pire que la plus terrible des prisons !… -Elle se met à marcher lentement, les yeux aspirés dans ses rêves- Ne pas se rappeler où on a fêté son bac, ni avec qui, ce qu’on a fait pour le 14 juillet, ou bien les cadeaux qu’on nous a offert pour son anniversaire… Elle secoue la tête pour sortir de sa rêverie. Elle le regarde. - Pour le 14 juillet, tu étais avec plusieurs de tes meilleurs amis chez toi. Tes parents étaient partis en vacances. - Comment vous le savez ? - J’ai téléphoné chez toi pour avoir une piste pour remonter jusqu’à tes amis et ainsi découvrir avant toi la personne que tu es. En fonction de cela j’aurai décidé s’il faut ou non que tu retrouves la mémoire. - S’il faut ou non ! -Elle a un sourire sarcastique- Vous êtes médecin et vous prenez le droit de choisir « s’il faut ou non » que vos patients retrouvent leur passé ! -Il est très embêté et ne dit mot. Elle le regarde outrée- Vous êtes encore pire que ma mère, parce qu’elle au moins elle ne trahit pas le serment de son métier. Là , il se défend : - Tu es injuste. Parce que rechercher les amis de mes patients, ça ne fait pas partie de mon job ! - Alors, pourquoi le faites-vous ?… Il est gêné de voir à quel point son jeu transparaît. Il élude la question. A ce moment-là , sa secrétaire entre avec un dossier. Elle lui tend. - le labo est formel, aucune erreur possible, les premiers résultats étaient justes. Elle sort. Gilles se racle la gorge, pose son coude sur le dossier sans l’ouvrir. Cassy note son embarras mais ne dit rien. Il change de sujet. Il prend une feuille dans un tiroir et la lit : - Jack Monse et Mickey Pésou, ce sont les deux seuls noms dont ton père se souvient. Est-ce que cela te dit quelque chose ? - Ca ne sonne pas étranger mais je ne sais rien sur eux. -Elle s’asseoit dans le canapé- Et à quoi ça sert de connaître ces noms ? Je ne vais quand même pas aller les voir, en leur disant que je suis amnésique parce que j’ai probablement essayé d’éliminer ma rivale. Et puis quel genre de relation ai-je avec eux ? Le téléphone sonne. Gilles décroche. - Oui ? … Ah, ça y est, tu es un as. Attend, je prend un stylo… Vas-y… hum… ok, c’est noté. J’te revaudrai ça. Merci. … Tchao. -Il raccroche- C’était un copain à moi, il m’a filé les adresses de tes amis. Ce soir, je finis à 17H. On file les voir, si tu veux. - -Ironique- Et ma mémoire ne risque pas de se fermer à tout jamais à cause du choc de les revoir ? - Il semblerait que tu ais des souvenirs qui te reviennes à la suite d’une rencontre avec un membre de ton passé, comme ce garçon, hier, ou bien si on te raconte ce qui a pu t’arriver. Je ne crois donc pas qu’aller rendre une visite à tes amis puisse représenter un risque. - Et qu’est-ce que ma mère a pu leur dire à propos de mon absence et de mon silence ? - Tu penses à tout, hein ? - Je crois que c’est dans ma nature, mais je n’en ai pas la preuve ! -Ils sourient. Elle s’arrête d’un coup et lance d’un ton tranchant :- Alors, vous allez me le dire ? - J’ignore où tu es pour tes amis. - Je parle des résultats que votre secrétaire vient d’amener ! Il reste coi, un instant, puis il se trémousse sur sa chaise. - Très bien. Lorsque tu es arrivée au centre, on t’a fait des tas d’analyses. Tu étais inconsciente, tu ne t’en rappelles sûrement pas. On a pratiqué des examens comme des gastroscopies, on pensait que tu avais peut-être ingurgité des substances. Prise de sang et aussi examen vaginal… - Et qu’est-ce que vous avez trouvé ? - Quelque chose qui ne colle pas ! -Elle l’encourage à continuer. Il prend sa respiration- Tu es enceinte… De quatre semaines… -Elle reste tétanisée. Il continue :- Mais ce qui est étrange, c’est que tu es médicalement toujours vierge. - C’est-à -dire ? - C’est-à -dire que ton hymen est toujours intacte et que nous n’avons trouvé aucune trace de pénétration vaginale. - Je serais donc tombée enceinte par l’opération du Saint Esprit ?!… - Ce genre de cas est rare, mais j’en ai déjà vu ; il arrive parfois que l’on puisse tomber enceinte sans pénétration. Si tu étais en plein dans ton cycle de fécondation et comme la pilule ne marche que de sept à neuf fois sur dix, alors les probabilités pour une grossesse n’étaient pas nulles. C’est la seule explication possible. Je n’en vois pas d’autre. - Quatre semaines, ce qui correspondrait à la semaine du 14 au 21 juillet. - Oui. - Donc Jack et Mickey doivent probablement savoir quelque chose à propos du père et des circonstances… Il la coupe. - J’en doute ! Dans ton sang, on a trouvé des restes d’un indicateur présent dans les pilules du lendemain. Cet indicateur constitue un indice pour les médecins sur les moyens possibles pour une éventuelle interruption volontaire de grossesse dans les cas où la pilule n’aurait pas marché… - J’étais donc au courant du risque de tomber enceinte et j’ai pris des mesures pour la stopper. Je ne voulais donc pas de ce bébé. -Elle se lève pour sortir- J’ai besoin de faire un tour. - Peut-être devrais-tu plutôt aller te reposer. - J’ai peut-être essayé d’éliminer quelqu’un, mais je ne m’en souviens pas, aujourd’hui j’apprends que je suis enceinte mais je ne sais pas de qui, ce qui signifie qu’il me reste moins de six semaines pour retrouver la mémoire, me défendre d’un meurtre et avorter, alors j’ai peut-être autre chose à faire que d’aller me reposer ! -Elle se dirige vers le couloir, mais arrivée au pas de la porte, elle demande sans se retourner :- Au fait, les prises de sang, vous les faites au bras gauche ou droit ? - Au droit généralement, pourquoi ? » Elle sort sans rien dire.
|